Festival Dieppe / Nourriture - 2005

 

17e mois de l'Image de Dieppe, 2005

 

 

                Martine se souvient des petites attentions de sa mère.

                Martine revoit les petits plats colorés de son enfance.

                Martine revit ces petits plaisirs de l'œil et du goût.

                Martine évoque ce petit art de vivre de la cueillette à la dégustation.

                Martine nous proposerait-elle de jouer à la dînette.

              Car Martine Mougin dresse une table de dérision en ordonnant une série de photographies / constats : récipients aux couleurs fraîches auréolant poivrons, choux rouges, et "gelly" anglaises plus appétissantes que gastronomiques.

Pourtant le disque présentoir manque souvent de place dans le rectangle de la photographie.

La dînette tourne court lorsque quelques photos s'attardent sans complaisance sur des restes de nourriture parfois violentés par des traces de doigts grossièrement gourmands.

Ailleurs, une assiette en carton se teinte sans élégance du jus de choux rouge ou de betterave.

Plus loin, sur une nappe jetable, un gobelet en plastique semble inverser par sa position en bas de l'image la classique ordonnance de la table.

D'autres images paraissent plus positives: les tableaux de chasse, prémices d'une future congélation, signe d'éternité! Le canard abattu, conserve encore ses plumes aux couleurs de ciels bleus et gris traversés de vols de gibiers sauvages...on peut rêver! Ainsi la photo découpe

l'espace en parallèles rythmées, dirigées vers le bas...la chute ! Et si l'artiste choisit de photographier sa chair prête à consommer, ce sera en décongélation, où les mollesses de l'emballage plastique, à l'aspect glaireux va noyer une petite tache rose...de vie, de fraîcheur? Les prémices de la consommation ne nous mettent pas en appétit et les choux rouges congelés se plissent en circonvolutions boueuses en dépit de scintillements givrés.

A table ! La présentation met l'accent sur le goût et les couleurs.

Ainsi la dînette prend des allures de mise à plat dérisoire de repas de dupes.

Pourtant la photographe nous offre en dédommagement, friandises et bonbons. Cependant les meringues aux couleurs acidulées restent inaccessibles sous la grisaille de leur emballage plastique et les bonbons sont déjà fondus sur la platitude de la photo qui fait alterner les roses sucrés et les citrons éteints.    

Des prémices à la consommation, en passant par la présentation et la dégustation, Martine Mougin nous offre avec humour et grand sérieux une série de photographies soigneusement classées qui traitent de la nourriture que nous consommons...

Et c'est ainsi que les images de notre monde de la consommation se rangent rigoureusement dans les cases dressées par l'artiste chef de rayon, qui propose au choix du regard, ses échantillons d'articles à déguster.

Ainsi, Martine présente un catalogue d'objets, avec l'apparence de la plus grande objectivité. Ses photos se présentent sous 'aspect d'une neutralité de bon aloi.

Elles sont en réalité l'image en série d'une nourriture fabriquée, àconsommer...mais indigeste.

Et tout ceci en réponse à une question naïve:

Sur consommer est-il conjugable avec un art de vivre?

Bernard Point

catalogue, février 2005